Jack Kerouac, sa majesté de l'errance désaffectée

Kerouac est mon héros, vous l'ai-je dit, celui qui a su me faire rêver à l'infini à la poursuite incessante et tumultueuse d'une forme de liberté très odorante et sauvage, enrichie à chaque halte, des trésors d'histoires inouïes glissant comme l'eau trouble entre les doigts tremblants de soit-disants aventuriers, saouls et mythomanes, ou alors des récits répugnants de misères humaines éprouvantes.... Le road-movie ou road-trip à l'état brut ( ou à l'état pur plutôt, vu le contexte ), toujours à flux tendu, perpétuellement à fleur de peau, a cette incroyable exigence quasi sacerdotale d'avoir suffisamment de tripes afin de pouvoir s'y laisser embarquer, à corps perdu bien sûr, comme entrer dans les ordres ou dans la légion... La route 66 a fait rêver depuis toujours les bikers du monde entier, mais il est bon de se remémorer que le simple cheminement chaotique, unique dans son genre, de Kerouac, dans une Amérique au bord de l'implosion, nourri pour une grande part de toutes ces rencontres humaines hors du commun, prit réellement tout son sens ou toute son importance, aux yeux d'un public toujours avide de sensations indécentes, par la grâce de Dieu, du moins par celui des vagabonds, lorsqu'il fut découvert qu'il consignait tout scrupuleusement et méticuleusement dans un "carnet de route" qui, lorsqu'on le déroulait pour une première lecture, pouvait par son contenu très détaillé, faire pâlir plus d'un de jalousie ou d'envie n'importe quels voyageurs affamés de découvertes et d'aventures... Kerouac, héros simple voire intemporel, est donc mon héros, l'anti-Tintin, et il est toujours impossible de lui résister.. Beau et inaccessible.. Beau, imprévisible, insatiable, terrifié sans le comprendre par son incapacité à sonder sa propre humanité.. Précurseur talentueux pour son époque après-guerre très figée où il souffrait de ne pas se sentir à sa place, leader ou muse du mouvement beatnik, accusé d'être anti-conventionnel, cherchait-il à travers ses vagabondages, souvent des errances en boucle entre les grands espaces américains et l'appartement de sa mère où il avait pris habitude de s'y cloîtrer le plus souvent, à son retour, à faire exploser les carcans inébranlables d'un déterminisme obsolète où il se plaignait à croire qu'il était leur prisonnier..? Les road-movies, à travers une grande partie du continent américain, dont raffolent les cinéastes américains qui ne peuvent oublier que Kerouac en est l'initiateur du principe, de l'idée même, sont à eux tous seuls l'essence même de son œuvre guère ordinaire... Qu'il soit accompagné d'amants rencontrés en chemin ou seul, Kerouac trace immanquablement sa route, dessinée ou non dans ses grandes lignes dans sa tête, emplissant sans attendre ses poumons de liberté inextinguible, chapardant avec une perceptibilité naïve ou sauvage des brèves ou des images croquées avec un réalisme effrayant, vus par lui seul, pour ensuite, comme un voleur ou un amant pris sur le fait au moment de prendre la tangente au petit jour après une nuit d'amour repue de regrets, les jeter pèle-mêle, comme à la va-vite dans une valise, toujours prêt à fuir, dans son imaginaire tortueux et pointilleux en attendant de pouvoir, à l'abri, les cacher dans son "carnet de route"... Peut-on imaginer que des tentatives velléitaires à vouloir voir ailleurs pour certains, les pleutres, ou des certitudes à se jeter sans attendre sur les routes et s'engager vers une destiné totalement inconnue peuvent signifier à eux seuls du courage..? À moins qu'un brin de folie soit le seul élément nécessaire pour animer le premier pas et prendre ensuite ses jambes à son cou en direction de ce qui pourrait s'avérer être l'antre prodigieux de l'aventure.. Celle que peu connaîtra, trop timoré pour la plupart d'entre nous.. Pourtant marié, Kerouac s'éloignait toujours plus loin... Se comportant comme s'il n'avait aucune attache en fait pour le retenir.. Seule la route à prendre à tout moment importait pour cet être devenu exceptionnel par son seul talent d'écrivain...

Comments

[Un job d'enfer!]

Merci pour la découverte!

[Cerna-Gauthier]

De rien, j'ai omis de préciser que c'était aussi un grand poète.. Merci pour la lecture..